Éditorial du président :
En 1748, sur décision du roi Louis XV, les dernières galères du royaume de France cessèrent de voguer. À leur apogée, elles étaient près d’une quarantaine, servies par une chiourme de 12 000 rameurs.
Leur port de base, au Vieux Port de Marseille, a vu défiler 60 000 forçats venus purger leur terrible peine. Le chapitre des galères s’est refermé et quatre ans plus tard, un nouveau souffle s’est levé.
Tout un symbole.
C’est bel et bien un « Siècle des lumières maritimes » qui s’est ouvert avec la création de l’Académie de Marine par le règlement royal du 30 juillet 1752. Sa devise : « Per hanc prosunt omnibus artes » soit « grâce à elle, les arts maritimes doivent être utiles à tous »
Un concept novateur naissait. L’histoire des idées, la pensée même, ont été profondément marquées par le maritime. Je ne parlerai pas, ici, du passage de la presse des marins au système des classes mais on se demande même, toujours de nos jours, si la mer n’est pas tout simplement la mère du droit.
J’irais même plus loin : la mer est, peut-être, mère de toutes les sciences, mais elle est indiscutablement et surtout mère des échanges entre les hommes, par le commerce comme par la circulation des cultures et des connaissances. Les navigateurs et plus généralement les gens de mer furent les yeux du monde, les communicants de l’époque, les témoins de la richesse et de la diversité de l’humanité.
Ils ont été les pionniers puis les éclaireurs d’un savoir global et universel.
Cette maritimisation des esprits, qui paraît enfin progresser, quelque peu aujourd’hui, reste une priorité. C’était déjà l’horizon tracé par nos prédécesseurs. Ils l’avaient bien compris avant nous.
Il suffit d’évoquer leurs noms pour sentir le vent de l’aventure, de l’ouverture et du génie souffler : Borda, Bougainville, Fleuriot de Langle, Kermadec, Kerguelen, Bouguer, Sané, Duhamel du
Monceau… la liste est longue.
Chacun d’eux, nous engage, et de nos jours plus que jamais, à poursuivre leur œuvre et leur mission.
Nous ne faisons qu’honorer leur héritage. S’inscrire dans leur sillage, c’est notre devoir.
Depuis son origine, l’Académie de Marine a été une société savante, légitime pour élaborer des solutions maritimes. Hier, comme aujourd’hui, elle doit être une force de proposition, comme nous l’a rappelé le Président de la République, lors du message qu’il nous a adressé, il y a 3 ans à La Sorbonne,
Marins, peintres, écrivains, universitaires, juristes, scientifiques, océanologues, navigateurs à la course au large, ingénieurs, historiens, archéologues, hydrographes, commissaires de la
Marine, administrateurs des affaires maritimes, météorologues, armateurs, grands amiraux, nous sommes l’Académie de Marine !
Tous, réunis par notre passion maritime, nous incarnons ce trésor immatériel unique, cette force sûre qui pourrait contribuer à faire de la France une thalassocratie pacifique et moderne qui s’ignore trop souvent et dont nous rêvons depuis toujours.
C’est à nous d’agir notamment en sachant communiquer nos savoirs au plus grand nombre.
Notre rôle est de voir loin et large en unissant toujours la théorie et l’expérience, en entretenant le lien existentiel entre les différentes marines.
Il n’y a probablement pas, au monde, un dispositif maritime aussi complet que celui de notre belle nation.
S’inspirer du passé afin d’éclairer l’avenir, faire valoir notre vision du monde maritime, originale et indépendante, et comme l’indique notre devise, notre vocation restera de s’ouvrir au grand public et de mettre en lumière, nos valeurs, nos actions, nos études, nos contenus, nos savoirs et nos sciences maritimes. Je pense notamment à cette jeunesse talentueuse, à bord comme à terre, qui sera à son tour en charge, dans les prochaines décennies, du “devoir de transmission” que nous incarnerons aujourd’hui.
Jean-Emmanuel Sauvée
Président de l’Académie de marine
